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BEY.LER.BEY vu par NUIT & JOUR

jeudi 1er septembre 2016

Bey.Ler.Bey
Leur premier album Mauvais Œil évoquait un Istanbul de conte de thé, quand le nouvel opus, Mauvaise Langue joue plutôt l’évacuation des Grecs de Smyrne par les troupes d’Atatürk. Mais les lascars improbables de Bey.Ler.Bey y assument leur virtuosité. Revue de détail.

Bon Sauvage
Bey Ler Bey
1:52 4:59
Florian Demonsant à l’accordéon, Laurent Clouet à la clarinette en sol, Wassim Halal à la darbuka, au bendir et au daf réfutent le terme de folkeux qu’on leur colle pour plus de facilité. Mais, on voudrait les tirer vers le jazz qu’on ne saurait leur déplaire plus encore.

Alors, pour éviter de se les mettre à dos, il faut plutôt citer des artistes au confluents de styles ou de genres : Okey Temiz pour le croisement turco-jazz avec Don Cherry, le Masada de John Zorn ou… Jean Dousteyssier et sa relecture free de l’idiome jazz néo-orléanais, dont on vous parlait dernièrement ( accessoirement un des meilleurs potes du percussionniste du groupe.) Et là, on met tout le monde d’accord sur le mode de l’improvisation - non réservé au jazz (comme c’est écrit dans tous les papiers sur le groupe…)

De quoi s’agit-il alors ? Juste de trois instrumentistes et compositeurs qui ont dépassé l’usage de leur instrument pour pratiquer le registre qui leur plaît… Bien sûr, le clarinettiste a habité dix ans à Istanbul et joué sur place avec les musiciens du cru, quand l’accordéoniste est aussi un atout maître de la musique balkanique version rom ou version grecque … Le percussionniste, quand à lui ne se sert que d’instruments orientaux amplifiés pour tenir ou sortir de la mesure.

Pour les embrouiller un peu on leur dira quand même que Steve Lacy, dans les années 60 à New York vivait principalement en cachetonnant dans les bar mitzvah, en dehors des rares concerts free qu’il donnait dans les clubs…

Mais bon, trêve de plaisanterie, comme il est clair qu’ils ont dépassé leurs modèles de jeu, peu importe alors qu’ils jouent d’un registre en particulier, puisqu’ils les ont tous sous les doigts. On ysent aussi bien le klezmer de l’Est que le rebetiko grec ou la musique de mariage balkanique (souvenir de Bregovic ), tout ce sang mêlé harmonique amène au plaisir de la musique vivante et même d’avant garde, via l’improvisation qui en découle naturellement.

Alors bon oui, on ne parle plus de jazz aujourd’hui, on parle plutôt de scènes de musiques européennes improvisées, et là, soudain ça matche complètement - même si, et c’est leur particularisme qui en fait des découvreurs, leur idiome respire à la Corne d’Or, plus qu’au Pont Mirabeau.

La dimension live est encore plus intéressante puisque, sortis de leurs routines ou de leurs trucs decomposition à partir desquels ils jouent en s’inventant, leurs échanges passent à un autre niveau plus subtil, plus télépathique- et là, c’est gagné. Le premier album faisait dans ladouceur orientale, icelui ; plus ironique dans son déroulement ( et sa titraille) montre plus la langue - qu’il a mauvaise- et respire plus bruyamment pour mieux réchauffer les corps et se faire entendre avec toute sa musculature. Pari tenu, superbe album !

Bey Ler Bey sont donc de savants musiciens : un pied dans la tradition, l’autre dans la modernité, le corps dansant, la tête dans les étoiles. Leurs quatre titres insinuent qu’ils ne manquent pas d’humour : Jacasseries, Bon sauvage, Aphone, Naufrage. La langue rouge du Bey se retrouve d’ailleurs servie sur un plateau avec le thé à la menthe au dos de la pochette, sorte de pastiche de Salomé en forme de corne de gazelle.

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